Praxis

« Celui qui a faim et soif ne demeure pas immobile, il est en « queste » et la quête de la justice, c’est-à-dire de la sainteté, ne peut jamais se prétendre « terminée ». Il ne s’agit pas d’être perpétuellement insatisfait, mais de savoir que l’homme et le monde sont infiniment perfectibles, il y a là une tâche sans fin. »

Jean-Yves Leloup1

Les rencontres de la Bâtie s’inscrivent dans l’une des préoccupations majeures présentes à notre actualité. Elles n’ont pas pour objet de donner des réponses, mais d’offrir une initiation au changement nécessaire et urgent du regard de l’individu humain sur le vivant.

L’époque actuelle se vit dans une consommation de l’extrême, en même temps que se traverse une profonde mutation. L’avenir de l’hominitude et de la nature dépend pour l’essentiel de la manière dont l’humain va évoluer dans son rapport au vivant.

Aussi, en tant qu’individu, il est certain que nous allons devoir nous rendre plus attentifs à la manière de vivre notre présence dans le monde, à la vivre à partir de notre hominitude en lui restaurant l’espace de son environnement, en prenant en compte sa capacité d’écoute sensorielle et sa faculté d’entrer en résonance avec les éléments. Il est devenu crucial de vivre l’humain en considération de notre hominitude, de s’appuyer sur sa perception et son discernement sensoriel et plus seulement à partir d’une raison raisonnante tournant en boucle sur du savoir intellectuel et du prêt-à-penser. Il est devenu incontournable de prendre soin du temps de l’hominitude, de ce temps si différent et plus lent que celui de l’humain qui lui peut courir dans les coursives du mental à la vitesse d’un lièvre, en sautant par-dessus les besoins ontologiques du corps physique.

Le mode de vie culturel actuel a trop privilégié la vision cérébrale au point de rendre celle de l’hominitude difficile à assumer. Ce n’est pas une histoire de politique, de dirigeants, de finance ou de citoyenneté. Il appartient à chacun de prendre soin qu’être humain se vit depuis son hominitude. Ce n’est pas la politique, ou un gouvernement qui peut faire cela à notre place. Cependant, notre manque d’attention dans le rapport de l’humain à l’hominitude conditionne les choix sociétaux qui déterminent la guidance d’un gouvernement, sa politique et ses valeurs.

Les convenances culturelles s’étant développées jusqu’à nos jours éloignent l’esprit et la pensée humaine de l’hominitude au point de l’aliéner. Cette expression d’intellection s’étant exilée du terreau sensoriel pousse notre planète dans une catastrophe écologique égale à notre désertion de cette attention. L’humain est un trait d’esprit qui ne peut se manifester sainement en l’absence d’une relation harmonieuse avec ce corps cellulaire, sensoriel, réactif, émotif… « Un esprit sain dans un corps sain » est de l’écologie de consommation et c’est loin d’être suffisant.

2Nous nous trouvons en un point, à une étape ou à un tournant du chemin suivi par l’humanité qui se caractérise notamment par le fait que nous ne savons plus rien de l’homme parce que nous nous sommes trop occupés de lui, qu’il y a trop de matériaux à disposition sur son compte et qu’une anthropologie, une connaissance de l’être humain requiert le courage de simplifier. Or, nous n’avons pas ce courage. De même que les systèmes théologiques les plus admirés et les plus modernes de notre époque ne proclament rien aussi clairement que l’absolue impossibilité de savoir quoi que ce soit sur Dieu, de même nos sciences humaines se gardent comme du feu de toute prétention à connaître et à formuler quoi que ce soit touchant l’essence de l’homme. Les théologiens et les psychologues de tendance moderniste se trouvent donc exactement dans la même position que nous autres écrivains : les fondements leur manquent, tout est devenu suspect et douteux, tout est relativisé et sapé par la base, et cependant ce fameux instinct de travail et de jeu reste intact. Comme nous les artistes, les hommes de sciences persistent à se donner beaucoup de mal pour affiner leurs instruments d’observation, leur langage, et disputer au néant ou au chaos ne serait-ce que quelques aspects de la réalité soigneusement observée et décrite.

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Aujourd’hui, il y a une critique à faire de l’écologie et il est urgent de la mener, car les valeurs sociétales, scientifiques comme économiques se pensent en fonction d’un humain n’étant plus en relation harmonieuse avec l’étant de son hominitude.

Cette présence qu’est l’étant, est inscrite au même registre des lois universelles que l’univers lui-même et les créatures qui le peuplent : notamment les hominidés que nous sommes. Ces lois sont connaissables par les sens et le discernement sensoriel. Mais, elles ne bénéficient pas de l’aura des savoirs faisant la gloire de l’humain.

Pourtant c’est dans cette gloire que l’humain forgea l’idée d’avoir reçu le privilège de régner sur les créatures peuplant cette planète, dans un premier temps par voie divine, puis plus récemment par la raison de sa pensée scientifique. Aujourd’hui, il serait bon de faire l’examen d’une telle croyance et se rendre à l’évidence de son immaturité et où elle mène les individus. La forme pensée s’étant développée dans ce système de raison raisonnante ne s’inscrit plus dans une relation en lien à l’analyse sensorielle. La vision moderne statue de manière générale sur des statistiques, sur des chiffres, sur des valeurs, sur des évaluations, sur des projections, sur tout ce matériel de raison réflexive et de modélisations intervenant dans les prises de décision avec lesquelles la gouvernance des affaires politiques, économiques, sociales et sanitaires se prennent. Il y a dans cette vision intellectuelle suffisamment d’arguments pour embarquer un individu dans un comportement étranger à ses sentiments et le plonger dans un exil à son bon sens qui sera pallié par une cohorte de règlements dont la conséquence sera de l’éloigner plus encore de son intelligence ontologique.

L’humanité de demain sera certainement celle où les individus comprendront et prendront soin de leur faculté de subjectivation. La culture est affaire humaine. Elle relate son histoire à travers les courants de pensées et civilisations traversée jusqu’à nos jours. Il est normal et attendu que ce développement de la pensée intellectuelle parvienne à transcender la condition primaire de l’hominitude, ce faisant, elle n’a pas produit une once supplémentaire d’intelligenceCe mouvement évolutif aura seulement aidé à développer l’expression de la pensée réflexive permettant un entendement plus clair entre les individus et ainsi de développer une vision secondaire à partir de laquelle la raison réflexive peut raisonner et émettre des opinions. Le silence apparent des mouches ou des platanes ne veut pas dire qu’ils ne soient pas des étants ni qu’ils soient dépourvus d’émotions, de pensées ou de sentiments et d’intelligence. Ils ne l’expriment pas dans notre entendement.

Le malheur écologique entraînant la forêt, les espèces, la mer, ou l’air, tout comme l’hominitude ne fera qu’empirer tant que les individus nourriront la croyance de voir en l’humain l’espèce supérieure. D’ailleurs, l’humain n’est même pas une espèce, il est une conséquence de l’évolution. Toutefois l’hominitude, elle, appartient aux hominidés. Elle continuera de souffrir comme le reste de la nature tant que l’humain ne changera pas d’attitude.

Dans ce mode de pensée, l’écologie reste profondément marquée par l’esprit anthropocentrique qui sévit depuis l’établissement de ces croyances. Mais, il faut bien se rendre à l’évidence que ce n’est plus une voie viable, ce qui rend crucial l’entrée dans l’ère d’une écologie élargie au vivant. Une écologie prenant en compte cet étant unifié, ayant retrouvé son écoute du monde au-delà de l’idéologie humaine. Il nous revient à travailler cette écoute à partir du tissu sensoriel pour le laisser se saisir de la parole des instants afin de venir à l’humain et de là, développer un vivre ensemble cohérent.

Les rencontres de la Bâtie sont des instants mensuels où le participant est invité à retrouver le souffle de son hominitude dans le vivant. Elle se vivent dans l’esprit de la Praxis au sens où l’entendait Aristote.

3 La praxis (du grec ancien πράξις, « action ») est un concept philosophique en grec ancien, théorisé par exemple par Aristote dans l’Éthique à Nicomaque et la Métaphysique. Chez ce penseur, elle désigne la pratique ou l’action, c’est-à-dire les activités qui ne sont pas seulement contemplatives ou théoriques, mais qui transforment le sujet. De surcroît, la praxis est une activité immanente, qui ne produit aucune œuvre distincte de l’agent et qui n’a d’autre fin que l’eupraxie, ce qui la distingue de la poïésis, qui est au contraire l’action transitive, distincte de l’acte qui la produit, et qui se réalise dans une œuvre extérieure à l’artiste ou à l’artisan.

4L’action au sens strict, est en opposition au faire. Aristote distingue alors la praxis de la poïésis. La praxis a une finalité interne à l’action, non séparable de l’action (« Le fait de bien agir est le but même de l’action. »). La poïésis (ou création, ou production) relève de l’instrumentalité et a pour finalité la production d’un bien ou d’un service, c’est-à-dire de quelque chose d’extérieur à l’action de celui qui le fabrique ou le rend.

L’intention de ces rencontres, même si elle peut paraître une entreprise audacieuse, est d’inviter les participants à se relier à la nature profonde, ontologique de son hominitude, à restaurer son appartenance à l’univers en laissant son écoute sensorielle le modeler pour éveiller dans son ressenti les connaissances qui aujourd’hui font défaut. Ce n’est pas une question de politique ou de gouvernement, mais celle de chacun dont son rapport au vivant détermine la législation du vivre ensemble.

5Du Sensible au sens : un processus d’éveil perceptivo-cognitif Les observations que nous menons mettent en évidence qu’avec le développement des capacités perceptives, la qualité de la résonance éprouvée au contact de ces vécus internes se déploie : les expériences deviennent plus fortes, plus engageantes aussi, au sens où elles impliquent davantage de dimensions de l’être, et des dimensions plus subtiles, plus qualitatives. Les personnes assistent à une mise en forme nouvelle de leur constitution la plus profonde, elles ‘prennent forme’, voire se trans-forment, dans le temps réel de l’expérience du Sensible. C’est là, dans et depuis cette proximité intime et résonante avec l’expérience, quand la perception est aiguisée, que du sens naît.

Prendre soin de l’hominitude est une aventure par laquelle on découvre la magnifique intelligence à l’œuvre se déployant dans l’univers. La rencontre avec les éléments énergétiques, parfois si déroutante, est d’actualité. En les approchant, on apprend à connaître cette architecture dont dépend l’ordre entre les éléments et leur structure en préservant la vision d’ensemble. Je ne vois pas comment prétendre prendre soin de l’iécologie en l’absence de cette connaissance.

C’est d’autant plus à vivre que notre actualité traverse une phase de profond changement comme celle surgissant tous les deux mille cinq cents ans. Ces révolutions cycliques sont l’une des manifestations architecturales gouvernant l’univers et son devenir.

Pour l’humain, ces périodes de révolution correspondent au changement d’ordre culturel qui se vit au carrefour des grandes civilisations. Cependant, l’individu, comme l’humanité, semble n’avoir rien appris de ces instants, pourtant vécus à plusieurs reprises durant les derniers millénaires. Ces paliers évolutifs ont, dans le passé, été individuellement comme collectivement le lieu de crises sociétales et identitaires majeures. Il est malheureux qu’il en soit ainsi aujourd’hui encore, malgré le patrimoine bibliographique traçant l’historicité du genre humain consigné dans les bibliothèques des grandes écoles du savoir. L’humain continue de traverser ces instants comme s’il devait jouer une tragédie opposant révolution et conservatisme en mal de perte d’acquis. Le trait de caractère qui ressort de cette tragédie transgénérationnelle, transcyclique démontre, combien aujourd’hui encore, il est difficile pour l’esprit humain de vivre un palier d’évolution de la sensibilité intellectuelle lors de la révolution d’un cycle de cette période.

C’est bien là, la démonstration que l’individu ne perçoit pas le temps au-delà de la durée de sa génération : 25 ans. Pour l’humain, concevoir la maîtrise d’événements dépassant ce laps de temps nécessite de bétonner ses actions dans une législation farouche et dans la création d’institutions pérennes dont l’intemporalité aliène l’hominitude et l’écarte de son rapport naturel au temps.

Il est souvent question de temps dans ce rapport. Mais au fond, qu’est-il ? Le temps est une notion qui rend compte du changement. En soi, il n’est pas mesurable, même si mécaniquement il est possible de compter les heures d’une journée. Cette jauge exprime seulement l’unité de la durée d’un cycle en termes d’heures, de minutes ou de secondes. Elle ne dit rien du temps et encore moins de son mystère !

L’écoute sensorielle, le retour au silence de l’humain à son hominitude pour laisser la parole des instants la modeler, la laisser s’imprégner dans leur information jusqu’au cœur de ses cellules est essentiel pour notre actualité. Toucher ainsi à l’inédit, entrer en résonnance avec l’information qu’il renferme, la laisser prendre forme dans ce corps, permet au discernement sensoriel de se produire. Ce faisant, l’esprit et la pensée peuvent s’en nourrir et évoluer en cohérence avec la nature du vivant. N’est-ce pas l’attention que l’on devrait développer pour entendre comment nous humaniser lors d’un palier évolutif ?

Est-ce si insupportable à réaliser ? Certes, dans l’économie de notre mode de vie cela devient conflictuel alors que les besoins sont centrés sur d’autres nécessités. Toutefois, le passage d’une dynamique à l’autre d’un cycle de deux millénaires et demi prend environ 500 ans. S’il est nécessaire de traverser une période d’adaptation du tissu sociétal pour l’accorder à l’intelligence universelle, il n’y a pas de quoi déclencher une crise qui n’est finalement qu’un défaut d’attention venant d’un humain tourmenté par la perte d’acquis, même lorsque ceux-ci ne sont plus en résonance avec l’évolution du vivant. Le phénomène complexe de l’addiction chez l’individu et la capacité de vivre le deuil chez lui rend la vie de l’hominitude et du vivant impossible. Qu’avons-nous appris de la psychologie de la subjectivité, de cette extraordinaire saga racontant l’histoire de séparation de la pensée du corps. Qu’avons-nous compris de ces textes fondateurs de l‘esprit subjectif, celui de l’Exode peignant la sortie d’Egypte, ou plus tardifs dans les tragédies de Sophocle. Pourtant, on trouve dans ces textes une vision anthropologique menant à la compréhension du mécanisme de la psychologie de la subjectivité. Quelque chose à dû rater car le culte du moi majeur, de cet excès de consommation d’un moi s’identifiant à l’avoir n’a pas encore fait le deuil du veau d’or fustigé par Moïse

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Pourquoi sommes-nous restés si ignorants du temps ? La nature prend soin de laisser au temps le temps aux choses de se faire. Nous n’avons seulement pas su reconnaître cette intelligence. À nous de l’apprendre maintenant. À nous d’en prendre soin. C’est à cet endroit précis que nous, individus, pouvons exprimer l’intelligence humaine. Comment prendre soin de l’humain de demain alors que l’instant de passage dans un autre ordre est l’un des objectifs de cette praxis ?

Pourquoi la Bâtie. C’est un lieu bien connu des Genevois. C’est un bois, une sorte de réserve naturelle en ville. De plus, c’est un lieu facile d’accès au public où les arbres évoluent sans trop de contraintes humaines. Il accueille aussi un parc animalier. Ce lieu est intéressant pas sa situation et la possibilité qu’il donne par la vivante expression des arbres de se familiariser aux changements énergétiques se produisant mensuellement. Se mettre en écoute de ce mouvement permet au corps de respirer ce souffle, d’entrer en résonance et vivre des sensations qui le restaurent à sa nature profonde. C’est aussi pour l’esprit de la personne l’occasion de s’initier à la manière de vivre l’intellection de ses sensations, de ses émotions qui vont nourrir ses sentiments et sa pensée.

François Ledermann

Genève, le 20 octobre 2019

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1 Leloup, Jean-Yves : Une femme innombrableLe roman de Marie Madeleine, Paris : A. Michel, 2009 (Espaces libres 210) – p. 56

2 Hesse, Hermann : La Leçon Interrompue, Paris : Calman-Levy, 2012 p 129/130

3 Tricot Jules, Aristote, La Politique, Librairie Philosophique Vrin, 2005, note page 36.

4 https://fr.wikipedia.org/wiki/Praxis_(philosophie)

5 Eve Berger/Danis Bois : Du Sensible au sens : un chemin d’autonomisation du sujet connaissant, ds. : Chemins de formation 16/Paradigme du sensible (2011), 117 / 124.

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